Nous avons le plaisir de partager ici la préface de l'ouvrage A Coeurs Ouverts. L'occasion de remercier son auteur, Xavier Darcos, académicien et chancelier de l'Institut de France.
Préface à l’ouvrage À Cœurs Ouverts, de la Fondation photo4food
Xavier Darcos, chancelier de l’Institut
Il était inévitable que la Fondation photo4food et l’Institut de France finissent par se rencontrer. Le public l’ignore parfois, mais l’Institut de France ne se limite pas à des sites historiques ou à des séances en habit vert sous la Coupole. Ce genre de solennités traditionnelles se perpétue, et il faut s’en réjouir, car elles portent une certaine idée de la culture, comme une image de la France et de son rayonnement dans le monde.
Mais l’Institut de France est une réalité infiniment plus large que celle de ses séances publiques – partie la plus visible d’un travail considérable qui se fait, chaque jour, derrière les murs du quai de Conti. L’Institut est aussi l’un des plus grands mécènes de France. Depuis des siècles, on y distribue des prix aux ouvrages les plus intéressants, des récompenses aux découvertes les plus prometteuses, des subventions aux œuvres les plus utiles. Aujourd’hui, l’Institut compte plusieurs centaines de fondations et attribue chaque année près de 25 millions d’euros, dans trois domaines principaux : le patrimoine et la création ; la recherche scientifique ; l’action philanthropique et l’innovation sociale.
C’est à ce titre que la Fondation photo4food a rejoint ce vaste mouvement de générosité éclairée qui est aujourd’hui abrité, organisé et orchestré par l’Institut. La rencontre, dis-je, était inévitable, d’abord parce que la Fondation photo4food lutte contre la pauvreté et la malnutrition en France : ce projet des fondateurs, Virginie et Olivier Goy, s’inscrit pleinement dans notre action. Ensuite parce que cette fondation a pour raison d’être de « mettre l’art au service des autres » : n’est-ce pas, parfaitement formulée, l’ambition de l’Institut de France ? Enfin, l’idée de l’ouvrage collectif À cœurs ouverts est la rencontre entre des artistes et des écrivains, dans un esprit de liberté, de création, de qualité, mais aussi de dévouement à l’intérêt général. C’est dire à quel point ce livre magnifique est porté par l’esprit académique que nous nous efforçons de maintenir et diffuser.
Il est une autre raison pour laquelle je me réjouis d’avoir été invité à écrire cette préface : À cœurs ouverts est un livre de photographies. O la photographie est un peu née à l’Institut de France. Rappelez-vous. En janvier 1839, l’Académie des sciences écoute une communication de François Arago, secrétaire perpétuel, qui attire l’attention de ses confrères sur le procédé photographique mis au point par Louis Daguerre, le daguerréotype. L’écho de cette découverte est tel que lors de la séance solennelle annuelle des cinq académies de l’Institut, le délégué de l’Académie française, Népomucène Lemercier, déclame un long poème de sa composition, destiné à célébrer l’invention et l’inventeur.
« […] Daguerre, dans la tour où son docte pinceau
Ouvre aux jeux de l’optique un théâtre si beau,
Fait dans l’obscurité d’une enceinte massive
Luire des horizons l’immense perspective ;
Sa palette est magique ; et de ses feux versés
Quand la vue est atteinte et les murs traversés.
Un tissu, des parois circulante barrière
Se transforme en miroir de la nature entière.
Lutèce en foule accourt, l’admire et l’applaudit. […]
Tous les biens matériels peuvent s’anéantir :
Mais, ravie au brasier prompt à les engloutir,
Des œuvres de l’esprit survit la gloire entière.
Favori du soleil, époux de la lumière,
Le miracle accompli par notre intimité
Est le titre immortel de ta sublimité. »
Mais le plus beau n’est pas dans ces vers dont la lecture – et l’écoute plus encore – furent assez fastidieuses. À l’issue de l’examen puis de la validation et enfin de la célébration académiques, le procédé de Daguerre fut exposé en détail lors d’une séance conjointe de l’Académie des sciences et de l’Académie des Beaux-Arts. En rendant publique l’invention, l’Institut et l’inventeur avaient pour but d’en « doter libéralement le monde entier », de l’offrir en quelque sorte à l’humanité. Ainsi le daguerréotype est-il devenu le premier procédé photographique largement utilisé, ouvrant la voie à d’autres inventions et à une nouvelle ère dans l’histoire des images.
Cette association de la créativité et de la générosité dont ce souvenir du passé nous donne ce si bel exemple, nous la retrouvons aujourd’hui dans l’œuvre conçue et promue par Virginie et Olivier Goy. C’est pourquoi il m’est particulièrement agréable de formuler ici le double vœu de succès pour ce livre À cœurs ouverts et de longue vie à la Fondation photo4food de l’Institut de France.
Xavier Darcos, juin 2020
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