Un nouveau coin de voile se lève aujourd'hui sur notre ouvrage A Coeurs Ouverts...
Nous vous dévoilons le texte de Géraldine Dalban-Moreynas, Prix du Premier Roman 2019... Un texte inspiré par les photographies de Stanislas Augris, photographe et musicien, et Cerise Doucède, photographe, Prix HSBC pour la photographie 2013.
Nous en profitons aussi pour vous rappeler que le livre, accompagné d'un tirage photographique, est en précommande dès maintenant au prix de 300€.
300€ pour un ouvrage d'art dans son coffret et une photographie au format 20x28 environ. 300€ surtout pour offrir 300 repas chauds.
Texte intégral
Elle étouffait. Elle voulait crier, hurler. Elle se débattait au milieu de ces liens qui la retenaient, qui la maintenaient là où elle ne voulait pas rester, qui l’empêchaient de respirer. Ou d’exister. Elle ne savait pas bien la différence entre ne pas vivre ou vivre attachée.
Des lianes enserraient ses pieds, la clouaient au sol, elle se débattait, elle hurlait à en crever, plus elle se débattait, plus les liens se resserraient jusqu’à la recouvrir tout entière, plus elle étouffait, plus elle criait et pas un cri ne sortait, ils la clouaient au lit dans cette vie qu’elle voulait autre.
Elle, elle voulait passer de l’autre côté du mur.
De l’autre côté du mur, il y avait lui.
Alors pour qu’elle arrête de vouloir être ailleurs comme si elle ne pouvait pas trouver le bonheur ici ils ont essayé de cacher le mur qu’elle ne quittait pas des yeux comme si sa vie en dépendait en se demandant à chaque instant comment elle pourrait le traverser enfin. Ils ont planté quelques buissons. Jamais quelques buissons ne pourront étouffer l’espoir, on ne meurt pas d’amour mais on meurt sans doute de ne pas en avoir. En courant, en rampant, en creusant, en laissant chaque ongle de sa main dans la terre à force de creuser plus profond pour voir de l’autre côté, elle se foutait de ses mains tant qu’elle trouvait un moyen pour vivre enfin. Le retrouver enfin. Le sniffer enfin.
Elle se demandait comment faisaient les autres pour vivre sans liberté. Peut-être qu’ils n’avaient juste pas penser. Elle se réveillait, le lendemain, le surlendemain, le jour d’après, elle était toujours là, lui là-bas, elle se demandait encore comment le faire tomber, elle fermait les yeux et elle voyait le mur s’effondrer comme quand elle était môme et qu’elle avait vu celui de Berlin tomber. C’était à la télé, c’était il y a longtemps mais elle s’en souvenait très bien. Elle frissonnait.
Elle se demandait s’il l’attendait toujours, là-bas de l’autre côté, combien de temps dure l’amour.
Elle allait crever de cette société qui veut l’enfermer dans des normes et des conventions. Elle allait crever de ne pas pouvoir courir vers lui parce que petite on lui avait dit qu’une femme ne se jette pas à la tête d’un homme. Cela ne se fait pas. Non, cela ne se fait pas.
Elle est passée. De l’autre côté. Un matin. Comme si quand votre vie en dépend, l’être humain est capable de tout donner et de tout avoir. Comme si rien ne peut résister à ceux qui rêvent.
L’histoire ne dit pas s’il était encore là. A l’attendre. Combien de temps dure l’amour… L’histoire ne dit pas si elle a posé la paume de sa main sur sa joue tout doucement, si elle a écrasé sa bouche sur sa bouche violemment, si elle a entouré son corps de sa jambe comme pour l’emprisonner à son tour et le sentir bander, l’histoire ne dit pas s’il avait toujours autant envie d’elle, s’il l’a prise là, contre ce mur qui avait failli les faire crever de manque à force de les tenir loin. L’histoire ne dit rien.
Parce que les histoires et les mots sont juste là pour laisser les esprits s’évader loin des normes et des conventions, de cette putain de réalité qui nous empêche trop souvent de rêver, des codes et des trucs écrits d’avance. Fermez les yeux, imaginez que vous êtes capable d’abattre des murs infranchissables, juste parce que vous rêvez d’ailleurs.
L’histoire ne dit rien parce que c’est à vous d’imaginer la fin. A cœurs ouverts.
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Géraldine Dalban-Moreynas
Paris, mai 2020
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